Pour le politologue Stéphane Rozès, l'élection présidentielle ne se joue pas sur un programme, mais sur un récit. Le président de CAP (Conseils, analyses et perspectives) précise la réflexion qu'il avait esquissée dans la revue Débats sur la présidentielle dans l'imaginaire politique français (janvier-février 2012).
La santé, la dépendance, la justice, l’écologie : autant d’enjeux sur lesquels les propositions des candidats étaient attendues. Or on a l’impression qu’ils n’en parlent pas. Pourquoi ?
Les principaux candidats et leurs équipes ont considéré qu’ils n’étaient pas là pour développer un programme autour de ces questions, mais qu’ils se présentaient d’abord pour répondre à une inquiétude essentielle : notre modèle social et républicain a-t-il aujourd’hui encore sa place en Europe et dans le monde ? La crise de la dette souveraine n’a-t-elle pas remis ce modèle en cause ? Il ne sert à rien de défendre un programme si l’on n’a pas répondu à cette question de la place des Français dans le pays, et de la France dans le reste du monde.
A ce jeu, qui de Hollande ou de Sarkozy s’est montré le plus convaincant ?
François Hollande s'est d'emblée placé sur ce terrain en affirmant, dès le 22 janvier dans son discours du Bourget, que la France n'était pas un problème mais la solution aux problèmes. Nicolas Sarkozy, lui, s'est heurté au fait que certes les Français reconnaissent qu'il a voulu faire bouger les choses, mais lui reprochent de l'avoir fait en dressant une partie des gens contre les autres. Il a perdu beaucoup de temps à s'expliquer sur le Fouquet's, le yacht de Bolloré ou le «casse-toi pauvre con».
Dire que l’enjeu de l’élection est le modèle français face à la crise de la dette souveraine, n’est-ce pas placer les candidats sur une position défensive, et faire disparaître toute la part de rêve qu’il peut y avoir dans un programme politique, par exemple sur l’environnement ?
Tous les thèmes qui pouvaient apporter cette part de rêve ont disparu. Une campagne se fait d’abord s