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Libération
Critique

La France, un pays psychiquement occupé

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par Agnès Antoine, Philosophe et psychanalyste, enseignante-chercheure au Centre d’études sociologiques et politiques Raymond-Aron de l’EHESS à Paris
publié le 16 avril 2012 à 19h06

Alors que le débat sur les politiques passées et à venir des candidats à la présidence ne s’énonce plus qu’en termes de performances quantitatives, il est temps de recentrer l’enjeu du prochain vote autour de l’essentiel : les Français souhaitent-ils le retour de la démocratie ou sa disparition programmée ? La présidence de Nicolas Sarkozy a constitué une profonde corruption politique et philosophique de la démocratie. Elle n’appartient pas au registre légitime de l’alternance politique. Sa seule trace dans l’histoire de France sera celle de la restauration, sous les oripeaux de la continuité républicaine, d’un gouvernement de nature antidémocratique.

Que nous est-il arrivé ? Et comment analyser cette dérive politique ? Nicolas Sarkozy n’a pas inventé à lui seul la pathologie collective actuelle, produit de la décomposition finale de l’ordre culturel patriarcal, sans qu’un nouvel ordre ait pu suffisamment s’instituer : il est d’abord l’homme-symptôme de cette situation historique transitoire. Mais il en a, avec volontarisme, incarné la pente perverse. L’analyse des processus psychiques à l’œuvre fait en effet apparaître leur paradoxale parenté avec la logique totalitaire. Certes, dans le régime sarkozyste, pas de sanglants crimes contre l’humanité ni de génocides organisés. Mais une attaque permanente contre l’idée même d’humanité par la constante stigmatisation de catégories définies de la population, diabolisées. Les libertés légales les plus élémentaires y sont apparemment