Au commencement régnait la peur. On appréhendait le monde dans son incertitude au travers du prisme de tous les dangers, violences, maladies et famines qui pouvaient décimer les tribus, réduire à néant les villages. Depuis toujours, les humains ont cherché à se protéger, même symboliquement, avec un totem dédié. L’organisation politique des tribus en cités a vu naître des codes, lois, tribunaux, dans une quête grandissante de sécurité.
Et pourtant, les hommes n’ont jamais cessé d’avoir peur. Malheureusement, l’Histoire a montré que leurs craintes étaient justifiées, que l’impossible pouvait être, jusqu’à l’innommable. L’Europe de l’Ouest a beau être en paix, la peur reste ancrée en nous, atavique, cachée dans les recoins de notre imaginaire et alimentée par tout ce qui se passe ailleurs, «chez les autres».
La peur est aussi un moteur puissant qui permet d’enclencher l’action. Car elle dicte des choix. Ce paradoxe, le politique l’a compris. La fabrique de la crise, avec ce qu’elle porte comme peurs en puissance, apparaît alors comme un ressort de la cinétique politique : la dramatisation d’un fait permet de mobiliser l’opinion et de la focaliser afin d’en réduire le champ de vision.
Nous fabriquons des crises comme nous écrivons des œuvres dramatiques, des pièces en trois actes : hypertrophie de l’événement, mobilisation de l’émotion, mesures d’urgence. Dans ces délibérations, le politique s’autoproclame sauveteur, héros protecteur. Et les peuples qui ont peur acclament leurs me