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Libération
Interview

Annie Ernaux : «Personne d’autre que nous n’écrit l’avenir !»

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publié le 3 mai 2012 à 19h06

C’était lundi, au lendemain d’un week-end poisseux qui avait vu resurgir les figures de Kadhafi à droite et de Dominique Strauss-Kahn à gauche. Annie Ernaux nous a reçue dans sa maison de Cergy (Val-d’Oise), au calme, loin des préparatifs fébriles des diverses manifestations du 1er Mai. Dans une tribune publiée dans le Monde, elle venait de dire toute sa colère contre cette «imposture» que représentait à ses yeux la décision de Sarkozy de fêter le «vrai» travail le 1er Mai. Cette auteure clé dans le paysage littéraire français, qui se définit non comme une romancière mais comme un «écrivain du réel», est une indignée de la première heure - elle a d’ailleurs voté Mélenchon le 22 avril.

A la veille du second tour, nous avons voulu en savoir plus sur sa perception de cette élection et de ses enjeux. Et nous l’avons rappelée, au lendemain du débat entre les deux candidats, pour avoir son sentiment sur le rapport de forces.

Sortez-vous de ce débat réconfortée ou plus indignée encore ?

Ni l’un ni l’autre. Un sentiment d’inutilité. J’ai pensé que ce serait sans doute le dernier débat sous cette forme. Trop long, trop de chiffres, un côté puéril, «t’es un menteur - c’est çui qui le dit qui y est», et deux potiches en guise de journalistes, seule nouveauté ! Depuis le débat entre Valéry Giscard d’Estaing et François Mitterrand en 1974, j’ai toujours détesté cet exercice qui est un duel du verbe, rien d’autre. Un combat qui relève d’ailleurs, profondément, de l’expression, de l’affirmation de la «virilité