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Libération
TRIBUNE

Une nuit de mai, place de la Bastille

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publié le 9 mai 2012 à 19h07

Dimanche 6 mai, trois heures que nous sommes vissés à l’écran plat, nous n’en finissons pas d’ouvrir des bouteilles de vin et de champagne, les enfants ont la permission de minuit, chaque apparition plus ou moins télégénique d’un responsable politique suscite réprobations, applaudissements, hypothèses ministrables ou exclamations de dégoût.

On a ouvert les fenêtres, c'est le printemps politique, la clameur des klaxons, des cris de victoire et des chants révolutionnaires monte jusqu'à nous et finit par nous arracher à cet écran sur lequel pérorent les commentateurs politiques, déjà dans l'après, dans l'anticipation de la lourde tâche qui attend le nouveau président de la République, déjà dans la catastrophe et les mises en garde, déjà à gâcher notre plaisir - si fragile -, alors que nous voulons du pur présent, prolonger un peu l'excitation candide d'être ensemble et d'avoir gagné : pouvoir crier «on a gagné» juste pour que le sang pompe un peu plus vite dans les veines et qu'en nous tout se dilate.

Il faut rallier Bastille. Sortir, rejoindre les Parisiens qui convergent vers la place emblématique où François Hollande est attendu pour son premier discours. Une foule extraordinaire a envahi les lieux, déborde dans les rues adjacentes, lignes de tee-shirts rouges floqués du slogan «le changement c’est maintenant», du monde accroché à la colonne de Juillet, aux fenêtres de la Banque de France, aux Abribus et aux feux de signalisation. Une foule, enfin, jeune et métissée (