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Libération
EDITORIAL

Le mâle et la toise

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publié le 30 mai 2012 à 22h06

Il n'y a rien de plus trompeur que l'image, souvent véhiculée, d'une France conservatrice, rétive aux grandes évolutions de société. Adepte de la longue durée, le sociologue Henri Mendras a décrit les «révolutions silencieuses» qui ont bouleversé le pays depuis la Seconde Guerre mondiale : la mutation radicale du monde paysan, l'arrivée massive des femmes sur le marché du travail, l'implosion du modèle familial traditionnel ou encore l'émergence des métropoles régionales dans un Etat qui n'a longtemps vibré que pour sa capitale. Mais il demeure une scandaleuse «exception française» dont ce pays ne parvient pas à s'extirper : une incapacité aussi crasse que chronique à accorder ses élites au pays réel. On pourra certes objecter que l'enquête de Libération porte sur un échantillon de taille modeste, il est pourtant totalement emblématique. Les 140 premières nominations dans les cabinets ministériels projettent une image en réduction d'une tare nationale : le mâle blanc passé sous la toise des «grandes écoles» triomphe à tous les étages. On s'est réjoui, à juste titre, d'un gouvernement enfin façonné par la parité. Mais, derrière la vitrine, c'est business as usual. Par un étonnant paradoxe, si les prochaines élections législatives devraient consacrer un timide renouvellement des parlementaires, les nominations, qui ne dépendent que de la volonté politique, entérinent le statu quo. Une preuve, s'il en fallait encore une, que seul un volontarisme effréné et per