Un matin, un midi, des anonymes rencontrent un inconnu. Pas n'importe lequel, ça se voit tout de suite aux tracts distribués alentour, à l'agitation diffuse autour de ce type qui parle, écoute, salue, sourit, serre la pince, rit, discute. Voilà assurément un homme en campagne pour la députation locale. Il avance, main tendue. Il est là en terra incognita et de surcroît, adverse : la 10e circonscription de Seine-Saint-Denis est tenue par la droite, il est un parachuté du PS. Peu importe la raison, qu'il s'agisse de céder à Elisabeth Guigou ses propres terres, confortables, d'Aubervilliers et La Courneuve où il a grandi et qui l'avaient élu.
Le voilà donc sur zone nouvelle, dès la mi-mars démarchant les chalands des marchés, des fêtes, des associations. Il doit tout reprendre à zéro ou presque : incruster un rire, une voix, une humanité, un bilan et des valeurs sur le nom affiché à l’enseigne de la rose et du poing. D’Aulnay-sous-Bois à Bondy en passant par les Pavillons-sous-Bois, il lui faut se faire connaître et reconnaître.
Chaque samedi ou dimanche de mars, avril, mai, juin, onze semaines en tout, le photographe Philippe Castetbon, 44 ans, a suivi l'homme en campagne. Littéralement : il s'est posté derrière lui, a posé son regard «au-dessus de l'épaule», dit-il. «On photographie, d'ordinaire, le politique, la vedette. J'ai voulu voir ce qu'il voit, lui ; et comment le regardent ces gens qui, pour la plupart, le rencontrent pour la première f