Directeur d'études à l'EHESS, Marc Abélès est anthropologue. Il est aussi l'auteur de Un ethnologue à l'Assemblée paru en 2000.
Est-ce parce qu’on demande à des «cumulards» de légiférer sur le cumul des mandats que les choses n’avancent pas ?
La plupart des parlementaires se déclarent contre le cumul. Mais quand on aborde leur cas personnel, ils sortent à peu près tous les mêmes arguments, expliquant à quel point il est important d’avoir un enracinement local pour ne pas être détaché des réalités.
L’argument vous semble-t-il recevable ?
Le cumul est un élément absolument structural du système politique français. Si vous remettez en cause cela, c'est le système dans son ensemble qu'il faut repenser. Ce n'est pas du tout quelque chose de superficiel. On a sans cesse recréé des centres de pouvoir avec chaque fois quelqu'un pour l'incarner, que ce soit le député-maire, le président du conseil général, etc. Cette tradition du notable local remonte au début de la IIIe République, sa figure est l'incarnation du territoire. La notion du député législateur s'est surimposée à cette réalité historique.
Le député est donc perçu comme le premier représentant local et non comme un élu de la nation ?
Je suis toujours frappé de voir le nombre de députés présents à l’Assemblée quand des dossiers liés à l’agriculture sont abordés. Quand il s’agit de parler des enjeux de la ville, il y a beaucoup moins de monde. L’absentéisme des députés, qui sont par ailleurs de grands élus territoriaux, n’est pas une légende. On pourrait tout à fait imaginer un système proportionnel où tous les députés siégeraient sans être rattachés à un territoire local, mais obtenir un consensus pour aller aussi loin est quasiment impossible.
Les socialistes donnent le sentiment de reculer…
C’est le