Les enfants plongent, les femmes regardent l'objectif. C'est un décor de savane au pied de la tour Eiffel, en noir et blanc et images saccadées : la Baignade de nègres a été tournée en 1896 par les frères Lumière au Jardin d'acclimatation. Un an plus tard, c'est encore un village africain qui est présenté au cœur de Paris, en bord de Seine, là où se trouve aujourd'hui le musée du Quai-Branly. Une belle ironie que ce raccourci entre la mise en scène des «hommes exotiques» et celle, un siècle plus tard, des arts et cultures des autres continents.
Un autre bout de film centenaire montre des hommes, des femmes et des enfants en «costume traditionnel» africain défilant devant la caméra, le regard vide. Ils sont à Lyon. Des photos, du même noir et blanc, avec des guerriers en tenue, des femmes aux seins nus, des «nègres» qui mangent à même le plat, des photos «scientifiques» de têtes mesurées. Images fixes, images qui bougent, rassemblées dans l'excellent film documentaire Zoos humains de Pascal Blanchard, chercheur au CNRS, coauteur du livre éponyme (1), et Eric Deroo, réalisateur. Il a été tourné en 2002, dix ans avant l'exposition de cette année qui vient de se terminer au même musée Branly : «Exhibitions : l'invention du sauvage», la première d'importance consacrée aux zoos humains.
Des zoos humains ? L’expression fait frémir, et pourtant, depuis toujours et de manière massive à partir des années 1870 et jusqu’au milieu des années 1930, la mode battait