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Interview

Claire Rodier «Des frontières qui servent à générer des profits financiers et idéologiques»

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Claire Rodier sort un livre sur les flux migratoires et le poids du secteur privé dans ce secteur :
Le centre de rétention du Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne), où la famille Khojaj a passé la nuit du samedi 29 septembre. (Photo Stéphane Lagoutte)
publié le 1er octobre 2012 à 22h16

Figure reconnue sur les questions migratoires, Claire Rodier publie jeudi Xénophobie Business, une enquête sur la gestion des flux migratoires par les Etats, et notamment leur privatisation croissante.

Pourquoi vous êtes-vous intéressée à cet aspect des politiques migratoires des pays riches ?

Depuis longtemps, je m’interroge sur l’efficacité des politiques qui depuis vingt ans prétendent gérer et contrôler les migrations, alors qu’on nous présente toujours les pays riches comme des territoires menacés par une invasion imminente. Comme si chaque nouveau dispositif de contrôle mis en place n’avait pour utilité que de révéler les failles et les lacunes des précédents, et pour finalité de justifier les suivants. L’agence européenne des frontières, Frontex, est l’illustration de ce paradoxe. En cinq ans, elle a vu son budget multiplié par quinze. C’est beaucoup, en période de crise ! On ne peut s’empêcher de penser que les murs, les grillages, les radars, et maintenant les drones dont se couvrent les frontières servent moins à empêcher les gens de passer qu’à générer des profits de tous ordres : financiers, mais aussi idéologiques et politiques.

A la lecture de votre livre, on a le sentiment que les contrôles migratoires ne servent pas qu’à fermer des frontières. Comment expliquez-vous ce paradoxe ?

D’abord, il est difficile de concevoir un verrouillage des frontières totalement hermétique pour les «clandestins» sans compromettre la circulation des biens, des capitaux, des marchandises, bref, de tout ce dont la mondialisation se nourrit. Ensuite, il n’est pas certain que, malgré la fermeté de certains discours, le but poursuivi soit vraiment de les maintenir tous hors des frontières. Les économies des pays industria