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TRIBUNE

Big Man, l’arbre et la pirogue

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par Benoît Antheaume, Géographe émérite à l’Institut de recherche pour le développement (IRD), Marseille
publié le 11 octobre 2012 à 19h06

La politique est un spectacle que la raison ne connaît pas. Pourtant, nous n’abdiquons pas devant l’obstacle de comprendre ce qui se trame à tous les étages de la maison France. Aucun moyen n’est à rejeter et les géographes ont un compas que peu connaissent.

Relisons Joël Bonnemaison (1), un chercheur au Vanuatu qui publia un travail très méticuleux sur les aléas de la vie insulaire, Gens de pirogue et gens de la terre. Pour saisir les sinuosités de tout un chacun, ballotté entre la stabilité et la mobilité, il avait inventé un bel outil sous la forme d'une métaphore : l'arbre et la pirogue. Essayons cet outil en l'appliquant au monde politique de la France d'aujourd'hui.

Commençons par la géographie : le microcosme politique est tout aussi insulaire que celui des peuples d’Océanie. Il vit en vase clos. Il peuple un territoire limité. L’ensemble des militants encartés des grands partis représente moins d’un pour cent de la population française : tous rassemblés, ils auraient du mal à peupler un archipel océanien de taille moyenne. Tout ce petit monde souffre d’«insularisme». Une maladie grave, peu connue, dont les symptômes aigus sont la propension à exacerber les spécificités et les particularismes. Et cela, au détriment des préoccupations de l’immense majorité des Français sur l’emploi, le logement, l’âge de la retraite, l’accès aux systèmes de soin et d’éducation.

Dans cet univers de tourments, prosaïques mais réels, qui peut donc s’intéresser et comprendre, hormis