Menu
Libération
Interview

«Les autorités peuvent avoir la tentation de juger le passé»

Article réservé aux abonnés
Stéphane Dufoix, professeur de sociologie à l’université Paris-X.
Des manifestants algériens arrêtés à Puteaux, dans la nuit du 17 octobre 1961. (Photo AFP)
publié le 18 octobre 2012 à 21h16

Sociologue, maître de conférence à l’université Paris-Ouest-Nanterre, Stéphane Dufoix a travaillé sur les politiques de la mémoire.

Chirac à propos du Vél d’Hiv, Hollande sur le 17 octobre 1961 : il a fallu longtemps pour que les plus hautes autorités de l’Etat s’expriment sur des faits historiques qui ont gravement compromis notre pays. Pourquoi ?

La possibilité de reconnaître la responsabilité de l’Etat ou de la République dans de tels actes se heurte presque toujours, sauf dans des cas de transition démocratique, à la force même de l’Etat, c’est-à-dire à sa capacité à passer sous silence, à prescrire, à amnistier ou encore à refuser de donner un nom aux actes considérés. Cette force est difficile et lente à vaincre. Ce n’est pas un hasard si, dans le cas de Jacques Chirac comme dans celui de François Hollande, cette reconnaissance intervient dans les premiers mois suivant leur élection. Il s’agit de marquer une différence, de rompre avec le mutisme de François Mitterrand dans le premier cas et avec la position «antirepentance» de Nicolas Sarkozy dans le second.

Et dans les autres pays ?

C’est toujours lent et compliqué. On a parfois dit, pour ne prendre que cet exemple, que la Belgique avait ouvert dans les années 2000 un débat pacifié sur son histoire coloniale. Pourtant, en mars 2012, la proposition déposée par le député belge Louis Laurent pour la reconnaissance du génocide perpétré par les Belges au Congo a fait rebondir la polémique. Cela ne concerne d’ailleurs pas uniquement les cas liés à l’histoire coloniale. En Espagne, il faut attendre le milieu des années 2000 pour que s’ouvre officiellement le débat sur les victimes de la guerre civile. Aux Etats-Unis, le Civil Liberties Act, qui organise les réparatio