Quand elle est arrivée à Sciences-Po à 16 ans, avec son bac C mention très bien, le directeur l'attendait sur le pas de la porte, toutes dents dehors : «Voici la future plus jeune énarque de France !» Ce jour-là, Nathalie Loiseau a failli tourner les talons : «J'aime pas les rails, j'aime pas qu'on décide de mon destin.» Elle se voyait journaliste, écrivaine voyageuse, aventurière, mais sûrement pas inspecteur des finances. Plus tard, elle a fait du chinois et de l'indonésien. L'ENA, elle n'y a «jamais pensé».
Trente-deux ans plus tard, c'est elle, la maîtresse de la maison. Elle passe chaque jour devant l'enfilade des photos de groupe avec futurs ministres. Ça non plus, elle n'y avait jamais pensé. Fin août, en vacances dans le Béarn avec son mari et ses quatre garçons, elle a appris qu'elle était débarquée de son poste de directrice générale de l'administration au ministère où elle avait fait toute son impeccable carrière, le Quai d'Orsay. «Le fait du prince Laurent Fabius, confie une de ses amies diplomates. Dans le jeu des chaises musicales, elle s'est retrouvée sans chaise. Un coup de massue pour elle.» L'association Femmes et Diplomatie, qu'elle a un temps dirigée, a protesté contre le limogeage de la seule femme du conseil de direction «sans faute professionnelle, sans préavis et sans nouveau poste». Quelques semaines plus tard, l'Elysée, soucieux de cette chasse à la sorcière, poussait sa candidature à l'ENA. «Une surpr