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Libération
TRIBUNE

Silence du droit, colère du peuple

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publié le 27 décembre 2012 à 19h06

«On dit qu’il n’y a point de péril parce qu’il n’y a pas d’émeute. Permettez-moi, Messieurs, de vous dire que vous vous trompez. Regardez ce qui se passe au sein des classes ouvrières qui, aujourd’hui, je le reconnais, sont tranquilles. N’entendez-vous pas qu’on y répète sans cesse que tout ce qui se trouve au-dessus d’elles est incapable et indigne de les gouverner ; que la division des biens faite jusqu’à présent dans le monde est injuste ? Et ne croyez-vous pas que, quand de telles opinions descendent profondément dans les masses, elles doivent amener, je ne sais quand, je ne sais comment, les révolutions les plus redoutables ?»

Qui parle ainsi ? Jean-Luc Mélenchon, pour justifier sa stratégie «révolutionnaire» ? Olivier Besancenot, pour justifier le maintien de son parti, vraiment de gauche, vraiment anticapitaliste, vraiment révolutionnaire ? Non, point ! Le très libéral Alexis de Tocqueville dans un discours à la Chambre des députés, le 29 janvier 1848, quelques jours seulement avant la… Révolution de février 1848.

Si le surgissement de la voix du peuple surprend toujours, c'est que le peuple, dans sa masse profonde, n'est pas extrémiste, n'est pas révolutionnaire, n'est pas insurrectionnel. Il est patient, écrit Sophie Wahnich dans son essai sur 1792 (1). Et même confiant. Il vote, pour accorder sa confiance à des représentants et, s'il en est déçu, il attend les prochaines élections pour donner sa confiance à d'autres élus. Il manifeste, pour exprimer son