Probable déformation professionnelle, maître Rilov excelle dans la périphrase. Il dit : «Les salariés savent que leurs luttes ne seront pas les mêmes si les voies de communication contemporaines ne les relaient pas.» C'était une réponse à notre question : «Comment vivez-vous la notoriété que vous a donnée le dossier Goodyear, vous consacrant en "avocat rouge" ?» Cette réponse circonlocutive signifiait en gros «j'accepte de répondre à vos questions, fussent-elles personnelles, dans la mesure où cela permettra de donner un écho des combats. Alors, allons-y !».
Il est 21 heures dans le cabinet Nouvel-Rilov-Santulli, rue Monsieur-le-Prince, près de l'Odéon, à Paris. L'avocat rentre de Dunkerque où l'avait appelé l'un des nombreux dossiers de droit du travail qu'il traite : une usine d'ameublement du groupe Parisot - comme Laurence - dont les salariés ont été licenciés pour faillite, alors que ceux-ci pensent être surtout victimes d'une délocalisation de leur activité vers la Roumanie. Nous parlons avec l'«avocat rouge» (l'expression ne lui déplaît pas) sous une grande toile diaprée, un paysage à la Gauguin tirant vers l'abstraction. Question : «Fiodor Rilov, pourquoi avez-vous rejoint à 17 ans les jeunesses communistes alors qu'à l'époque (1987) le PCF était déjà dans un sérieux déclin et qu'à l'adolescence, l'extrême gauche semble une aventure plus romantique ?». Version courte : «Parce que je voulais peser sur le cours des choses, être efficace, et que le Parti com