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Libération

L’indignation comme impératif

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D’un sentiment d’injustice qui pourrait n’être qu’un simple aveu d’impuissance, Stéphane Hessel a fait un outil de mobilisation, d’échanges, menant à l’action.
Sur le parvis de la Défense, près de Paris, début novembre 2011. (Photo Jean-Michel Sicot)
publié le 27 février 2013 à 19h56

De l'indignation, Stéphane Hessel, mort dans la nuit de mardi à mercredi à l'âge de 95 ans, aura réussi à faire un drapeau universel - comparable, pour la paix, à ce qu'est la «colombe» de Picasso. Il faut lui en savoir gré car, là où il y a indignation, il y a désignation, mise à nu, dénonciation de l'injustice, laquelle, on le sait, prospère bien mieux à l'ombre. Le sentiment d'indignation, écrivait Paul Ricœur, «trouve son expression la moins sophistiquée dans le simple cri : c'est injuste !» En cela, il est déjà une première «victoire» sur la vengeance, qui, à l'injustice, ajoute une autre injustice. Mais il n'est pas encore établissement de la justice. L'indignation n'est évidemment pas une «petite vertu», mais il lui manque quelque chose pour être une vertu morale à part entière. Dans la partie de l'Ethique (III) consacrée aux origines et à la nature des affects, Spinoza la classe parmi les passions tristes, avec le dédain, le mépris, la commisération, la consternation, l'envie, la honte (pudor), et la définit ainsi : «L'indignation est un sentiment de haine pour une personne qui fait du mal à une autre.» En ce sens, elle se mêle à d'autres sentiments, violents ou plus doux, déclenchés par la violence de l'injustice, l'indécence de l'exploitation, la violation des droits : à savoir la pitié, la miséricorde, la colère, la rage. Comme eux, elle fait sortir de l'indifférence et de la résignation, qui laissent proliférer les scélératesse