Le 5 novembre 2012, Libération accueillait Stéphane Hessel, pour un entretien en public avec Nicolas Demorand. Durant plus d'une heure, «le jeune homme de 95 ans» avait parlé de son indignation, du conflit israélo-palestinien, de ses souvenirs, de Spinoza et de son Dieu. Mais aussi, et peut-être même surtout, de l'amour. L'amour comme le principal fil conducteur de son existence. Cet échange qui est un des derniers de Stéphane Hessel avait suscité un formidable engouement et, devant une salle pleine, il avait encore évoqué la perspective de devenir centenaire avec l'espoir suprême que la paix se réalise d'ici là au Proche-Orient. Nous publions aujourd'hui les principaux moments de cet entretien.
Bonsoir à tous, soyez les bienvenus au Théâtre de la Ville pour la première édition de ce que l’on a appelé les Lundis de Libération. Je voudrais remercier infiniment Stéphane Hessel d’inaugurer ce cycle de rencontres. Vous venez d’avoir 95 ans, vous êtes donc maintenant, au sens strict, ce que l’on appelle un jeune homme. Permettez-moi donc une question personnelle : vous allez bien ?
Mon fils est cardiologue, alors c'est vous dire ! Quand j'ai eu un petit infarctus, il y a quatre mois, il a accouru et je me suis retrouvé au Val-de-Grâce, où Raymond Aubrac, l'un de mes préférés parmi les résistants, venait de mourir quelques semaines avant. Je me suis dit : «Là, cela va être la fin.» Eh bien non !
Je suis plutôt pour mourir vite, d’un coup. C’est ce que j’aimerais qu’il m’arrive. Actuellement, j’attends avec un plaisir énorme de pouvoir dire «merci». D’abord merci à cette merveilleuse vie de 95 années et, ensuite, si possible, merci à la mort si elle pouvait venir d’un coup. Je m’endors le soir et je ne me réveille pas le matin… Merveilleux !
Est-ce que vous diriez, comme Dalida : «Ce soir, moi je veux mourir sur scène ?»
Non, cela vous ferait de la peine.
J’aimerais savoir, ce que vous avez gardé de vos 20 ans.
Surtout l’amour de l’amour. Pour moi, ce qui nous arrive de plus important