Pierre Lascoumes, politologue, spécialiste de la corruption, est rattaché au centre de recherches de Sciences-Po, Cevipof. Il revient sur l'affaire Cahuzac et ce qu'elle révèle des pratiques politiques françaises.
Comment Jérôme Cahuzac est-il passé au travers des filtres qui existent pour prévenir la corruption?
En France, on a fait beaucoup de réglementations et de législations depuis plus de vingt ans, mais cette nouvelle affaire montre que la mise en œuvre est très faible. Les organismes de prévention de la corruption et des conflits d’intérêt ne fonctionnent pas, ils sont symboliques et sans aucun pouvoir. Depuis les années 90, on a beaucoup parlé de la lutte antiblanchiment, et des paradis fiscaux, mais on n’est pas allé voir si les pratiques avaient changé dans les banques. On s’aperçoit que les Suisses restent très bien organisés et continuent de d’offrir à leurs clients d’opacifier les fonds en toute tranquillité. Dans le cas du pantouflage, il existe une commission chargée de contrôler, surveiller les agents qui partent dans le privé, après avoir exercé des fonctions de contrôle dans le public. C’est typiquement le genre d’institution qui a été pensée comme une protection. Mais elle n’a aucun pouvoir, sinon celui de donner un avis qui n’est pas écouté. Là aussi, c’est un masque, un paravent.
Cette affaire est-elle exceptionnelle?
On pourra en faire un cas d’école, car aucune affaire à ce jour n’a jamais concentré autant d’élements. Un ministre du Budget fraudeur fiscal, qui a eu activités très libérales, pantouflé, et qui finit par commettre un mensonge public devant le Parlement... Cette conjugaison en