Politologue, Yves Mény est professeur à l’Université de Luiss, à Rome. Ce spécialiste de la corruption pointe les possibles effets pervers d’une publication du patrimoine des élus en France.
L’opération transparence de l’exécutif est-elle pertinente ?
Elle me fait penser à ce vers de Corneille : «Cette obscure clarté qui tombe des étoiles.» Très souvent dans ce genre de situation, le scandale appelle des mesures d'urgence. Elles sont le plus souvent fragmentaires et mal pensées, car la solution de la transparence peut vite devenir une fausse bonne solution. D'abord parce que, si on veut véritablement établir une transparence qui soit totale et exclue les parties de cache-cache, il faut aller très, très loin.
Jusqu’où ?
Ne pas s’arrêter aux élus mais demander des déclarations de patrimoine à leurs familles et aux hauts fonctionnaires. Dans les années 90, quand Romano Prodi était président du Conseil italien, il m’avait demandé de faire partie d’une commission qui devait réfléchir à l’instauration de cette transparence totale en Italie - pays confronté à des scandales infiniment plus graves que ceux que nous avons connus. Je m’y étais opposé car 30 000 personnes pouvaient être concernées et cela nécessitait la création d’une espèce de monstre bureaucratique à la Orwell.
C’est la tension entre transparence et flicage…
Oui, et ce type de transparence ne vous garantit que la transparence sur la situation des gens honnêtes. Il y a toujours la possibilité de ne pas l’être complètement, notamment à travers les structures familiales. C’est ce qu’on avait constaté en Italie, où les déclarations d