Historien spécialiste du «fait colonial», Pascal Blanchard est notamment l'auteur de la France noire (1). Codirecteur de 1989 à 2011 du Groupe de recherche Achac, colonisation, immigration, postcolonialisme, il décrypte les ambiguïtés et les limites du discours prononcé vendredi par le Président dans le jardin du Luxembourg.
Lorsque François Hollande cite Aimé Césaire sur «l’impossible réparation» de l’esclavage, n’est-ce pas une manière de se défiler ?
C’est à la fois une manière de se défiler et une interprétation juste. Aimé Césaire pensait que le crime est tellement profond qu’il ne peut être réparé par aucune somme d’argent, aucun musée. Ce concept permet à François Hollande de ne pas laisser croire qu’avec des dédommagements financiers, la réparation serait pleine et entière. Mais aussi de répondre indirectement au Cran, qui met la pression en revendiquant des réparations. La posture du Président s’inscrit dans un contexte nouveau : il y a quelques jours, les Britanniques ont reconnu avoir commis un crime colonial au Kenya, où leurs troupes ont torturé les Mau-Mau dans les années 50. Et jugé légitimes leurs revendications. De ce fait, ils ont ouvert le robinet de la réparation, fondé sur des actes reconnus devant un tribunal.
Hollande ne marque-t-il pas une rupture par rapport à Sarkozy, au moins dans les mots ?
Le 10 mai 2011, Sarkozy avait fait un discours brillant qui avait sidéré tout le monde. Il vaut largement celui de Hollande vendredi. Mais après, il n'y a eu aucun acte. A l'époque, nous avions publié, avec notamment Christiane Taubira, une tribune dans