Un authentique socialiste est mort. Un homme au socialisme chevillé au cœur et ancré au corps. Un corps massif, avec des costumes à la veste croisée, surmonté d’une chevelure argentée et d’un visage mangé par des lunettes aux larges montures. Un social-démocrate assumé, élevé dans le Nord, qui, avec Jacques Delors et Michel Rocard, fut de cette espèce que les socialistes ont toléré à leurs marges. Mais qui a su imposer ses vues. Réaliste rétif à l’idéologie, pragmatique et idéaliste, humaniste et volontaire, Pierre Mauroy, décédé vendredi à l’âge de 84 ans, restera comme le premier Premier ministre de François Mitterrand. Aux yeux du «peuple de gauche», qu’il aimait, il était devenu au fil des ans, une figure emblématique d’un temps disparu.
Pierre Mauroy à Matignon, c’est l’abolition de la peine de mort, la retraite à 60 ans (une réforme qu’il voulait, parce que, disait-il, l’espérance de vie des ouvriers faisait qu’à l’époque, ils ne jouissaient que trop brièvement de ce temps de repos), la cinquième semaine de congés payés, les 39 heures de travail hebdomadaire, la relance par la consommation, les nationalisations, la décentralisation, l’impôt sur les grandes fortunes (ancêtre de l’ISF)…
Pierre Mauroy fut aussi le maire qui a métamorphosé Lille, sa ville (lire ci-dessous). Et un remarquable orateur, aux envolées lyriques surannées, peut-être, mais capables de tirer des larmes à de vieux militants à qui, croyaient-ils, on ne la faisait plus… Il f