Directeur de la Fondation pour la recherche stratégique, Camille Grand revient sur les causes du malaise au sein des armées.
Comment expliquez-vous le climat actuel au sein de l’institution ?
Il faut distinguer deux facteurs qui se conjuguent. Primo, les militaires sont sur un rythme d’opérations très élevé : Afghanistan, Côte-d’Ivoire, Libye et Mali… Ils sont certes contents d’être engagés de la sorte. Mais, parallèlement, et c’est le second facteur que je voulais mentionner, ils constatent que la qualité de leur environnement quotidien se dégrade. Les ratés de Louvois, le système automatisé des soldes, sont très mal vécus dans les rangs. Au-delà, on leur demande en permanence de faire des efforts budgétaires. En clair, les militaires se disent qu’on leur demande beaucoup mais que le système n’est pas au rendez-vous.
La publication du nouveau «livre blanc», qui sera suivi d’une loi de programmation militaire (LMP), joue-t-elle un rôle négatif ?
Il y a, effectivement, chez les militaires une forte inquiétude, le sentiment que cette fois, on ne va pas s’en sortir. Pourtant, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, s’est battu comme un chien pour obtenir un budget décent dans un contexte très défavorable. Mais les nouveaux efforts demandés viennent s’ajouter aux précédentes réformes et, aux yeux de beaucoup de soldats, la coupe est pleine. Le schéma qui s’est dégagé des travaux du «livre blanc» fournit un modèle de transition pour les armées dans les quatre ou cinq ans à venir. Mais si de nouvelles encoches budgétaires se produisent, le système risque de ne pas tenir. Cela joue indéniablement sur le moral des troupes.
Les relations entre une partie de la hiérarchie militaire et le ministère de la Défense sont tendues. Faut-il y voir une raison politique ?
C’est très marginal. Les armées sont fondamentale