La première fois qu’il a pénétré au Palais-Bourbon, il était très impressionné. Non par l’apparat et les dorures, mais plutôt par les grandes lois qui y ont vu le jour. C’était le 10 juillet. Ce jour-là, Hervé Lebreton, 42 ans, professeur de mathématiques dans le Lot-et-Garonne, s’est invité à l’Assemblée nationale. Il y étalait son récent butin, fruit de deux années de recherches : la liste des subventions de l’année 2011 allouées aux collectivités locales, dans le cadre de la réserve parlementaire.
«Dire "réserve parlementaire" est un abus de langage. Le terme exact, c'est "crédits 122-01, aide exceptionnelle aux collectivités territoriales"»,précise d'emblée ce tatillon à l'air juvénile, attablé dans un café à deux pas de la Chambre. Une sorte de «caisse noire» légale d'environ 150 millions d'euros qui, selon une pratique coutumière, permet aux députés de financer les collectivités locales et les associations de leur circonscription. Ce qui, de fait, ouvre la voie à tous les clientélismes.
Quand, il y a deux ans, ce père de famille découvre ce procédé au cours d'une conversation anodine, c'est «un gros choc». «Argent public et système opaque, cela ne va pas ensemble», décrète-t-il. D'autres se seraient contentés de s'indigner. Lui commence une croisade qui le situe quelque part entre Don Quichotte et Kafka. Il interpelle d'abord le député de sa circonscription. Hasard ou coïncidence, il se trouve que celui-ci est alors le président de la commission des fin