Laver les chaussures de monsieur, ses John Lobb ou ses Corthay, avec des bas de soie, d’accord. Mais mettre de l’essence dans la mobylette déglinguée de ce «François-Marie», ce poète à la noix qui ne sait même pas dessiner et qui a osé faire pipi, paraît-il, dans les rhododendrons du jardin… Jamais, jamais, jamais.
Depuis la terrasse du jardin, luxuriant en ce mois de juin 2004, de l’hôtel particulier de la rue Delabordère berceau neuilléen de la famille Bettencourt, le majordome Pascal Bonnefoy tire sur sa cigarette. Dans quelques heures, madame doit revenir d’Allemagne avec son dandy dégarni… Ils sont allés inaugurer une exposition de photos de l’artiste, sponsorisée par L’Oréal évidemment. Bonnefoy imagine leur retour. Lui, si vulgaire. Certaines femmes de chambre racontent même qu’on l’a vu pincer les fesses de madame. Elle, toujours digne, même si son état et ses absences commencent à le préoccuper. Et monsieur qui ne dit rien.
Le majordome n’en peut plus. Depuis 1988, hormis une petite escapade chez l’Aga Khan, il est au service des Bettencourt, et il ne supporte pas cette déchéance. Il se souvient des déjeuners du dimanche dans la grande villa à colonnade de la pointe de l’Arcouest, la résidence de vacances de la famille en Bretagne, et des semaines d’hiver à barboter dans le lagon bleu de l’île d’Arros. Tout cela est loin. Il écrase sa cigarette, rentre dans le salon Monet, du nom du tableau de maître qui y est accroché. Sa lettre de démission est prête.
Avril 2009. Dan