Après quarante années surtout consacrées à la construction politique et institutionnelle par ses pères fondateurs, l'Union européenne peine depuis une décennie à habiter le costume qui lui a été taillé et à protéger ses citoyens contre les précarités de toutes natures : multiplication des délocalisations, échec de la dernière conférence sur le changement climatique, écoutes américaines et insuffisante protection des données personnelles… Il est loin le temps où l'idée européenne se suffisait à elle-même, où l'on était pour la construction européenne comme on était pour la paix et le progrès, presque naturellement. Rien n'est plus naturel dans la relation des citoyens à l'Europe : certes omniprésente dans leurs vies, elle est aussi un «grand méchant loin», déconnectée de leurs préoccupations et suspectée de chicaneries technocratiques tantôt sur la recette du chocolat et la composition du vin rosé, tantôt sur les bouteilles d'huile d'olive.
Des raisons d’être déçu, le citoyen européen en a quelques-unes. Les gouvernants et gouvernements de l’Europe se sont enlisés dans une gestion d’urgence de la crise, ne paraissant plus s’occuper que d’indicateurs financiers et monétaires. L’économie réelle semblait avoir disparu des tableaux de bord ; l’emploi, l’industrie, la lutte contre les inégalités sociales étaient comme relégués au rang d’effets secondaires d’un rétablissement du système bancaire européen. Les Européens, désabusés, n’ont plus vu dans le drapeau étoi