Menu
Libération
Chronique «sociétés»

Peuple de droite, peuple de gauche

Article réservé aux abonnés
publié le 27 septembre 2013 à 23h24

«Nous comprenons l'émotion, l'exaspération, la colère ressenties par les commerçants.» Ainsi s'exprime le ministre de l'Intérieur le 17 septembre à Nice. Un bijoutier vient d'être mis en examen pour homicide volontaire; il a tué son braqueur en train de prendre la fuite en scooter. En revanche, Manuel Valls n'a pas un mot pour la famille en deuil ou la compagne enceinte d'Anthony Asli : nul n'a songé à lui créer une page de soutien sur Facebook, où Stephan Turk bénéficie d'un engouement remarquable (1,6 million de clics : «J'aime»). Manuel Valls y entend un «cri d'alarme». C'est reprendre le point de vue du bijoutier de 67 ans : «Je suis la victime avant lui», le mort de 19 ans. Pour Philippe Bilger, il y a bien «deux victimes» ; mais cet avocat général à la retraite redoute d'emblée que soit contestée la légitime défense : «Je devine et crains le byzantinisme pointilleux avec lequel on évoquera le tir dans le dos du malfaiteur. Il serait paradoxal que la rectitude juridique et la lucidité judiciaire n'aient jamais pour effet que d'accabler l'innocent parce qu'un coupable est malheureusement décédé.»

Les mêmes qui dénoncent la «culture de l'excuse» et l'«idéologie victimaire» s'avèrent compréhensifs envers celui qui a tiré des coups de feu dans la rue avec une arme détenue illégalement. Les syndicats policiers ne semblent pas s'être mobilisés contre cette remise en cause du monopole d'Etat de la violence légitime.