Le buraliste dit : «Puisque la police ne surveille pas ma boutique pour serrer ces petits cons, je vais m’acheter un flingue et me la faire tout seul, ma police.» Le bijoutier dit : «Puisque les juges ne veulent pas entauler pour dix ans minimum ce maxi-délinquant de 14 ans déjà épinglé quatorze fois pour vol de carambars, racket de tickets de métro et tapage nocturne à mobylette, je vais planquer un gun sous mon comptoir et me la faire tout seul, ma justice.» C’était l’autre semaine l’air dominant et pas très ragoûtant, qui s’interprète aujourd’hui à une autre échelle : non plus celle d’une orphéon de quartier, mais d’un orchestre symphonique.
On veut parler d'une propension spectaculaire à la contestation de la loi, contestation qui n'a rien à voir avec la «désobéissance civile» - locution fortement connotée à gauche, et plus souvent accompagnée de vigoureuses manifestations de rue qui constituent sa légitimité même. La contestation dont il s'agit désormais n'est pas le fait du faible, mais du fort ; pas du pauvre, mais du riche ; pas du salarié, mais du patron. Des patrons de grandes surfaces que nulle astreinte ni nul état d'âme ne retiennent lorsqu'ils décrètent l'ouverture nocturne ou dominicale de leurs boutiques. Bien entendre cela, cependant : hormis quelques dizaines d'employés aliénés / manipulés / stipendiés, on n'en a encore jamais vu manifester en masse pour revendiquer, au prétexte de leur misère salariée, une sortie du code du travail susceptible d'ouvrir, en