Un roi bègue prononçant un discours de guerre : c'est la scène la plus marquante du film The King's Speech (le Discours d'un roi), dans lequel Colin Firth campait George VI, monarque tout à la fois terrifié par son handicap et résolu à le dépasser. On glosa beaucoup à l'époque sur la formidable histoire d'amitié unissant le roi à son orthophoniste, sur le talent des acteurs. Mais l'objet véritable du film passa en revanche inaperçu, ou presque. Alors qu'il était omniprésent puisqu'il s'agissait du langage lui-même. Tout entier tourné vers l'acte communicationnel du fait de sa qualité d'homme, de sa fonction et des instants historiques qu'il a à affronter, le roi n'est souverain que dans la mesure où il peut s'affirmer, échanger ou ordonner, dialoguer ou incarner. Ne pouvant pas parler, ou du moins pas assez à son aise, George VI ne règne pleinement ni sur lui-même ni sur son pays, jusqu'à ce que sa lente opération de reconquête des mots commence enfin à porter ses fruits.
Ramenée à la réalité de 2013, la vie publique semble toujours autant emplie de bégaiements mais ceux-ci sont de natures bien différentes. Nos élus souverains n'ont pas à reconquérir parole ou langage. La production du discours politique relève désormais d'un processus quasi industriel, avec ses commanditaires (les élus), ses fournisseurs (les entourages et autres experts), ses réviseurs (depuis les chefs de partis ou de groupes parlementaires jusqu'aux commentateurs), sans oublier le système de dist