Partout en Europe, une seule hantise, un seul cri d’alarme : la montée de l’extrême droite. Aube dorée en Grèce, Parti pour la liberté aux Pays-Bas, Parti du progrès en Norvège, FPÖ en Autriche, Front national en France : la percée des partis populistes et anti-immigrés dans les sondages et les élections intermédiaires semble, il est vrai, irrésistible. C’est pourtant moins le succès tactique de ces formations politiques qui impressionne - car l’accès au pouvoir suprême, pour l’heure, leur est encore barré - que leur hégémonie culturelle.
Leur première victoire n’est-elle pas d’avoir réussi à imposer dans le débat public leur définition, chauvine et étriquée, de la nation ? En France même, des leaders de la droite «classique» laissent désormais entendre que l’idéal républicain ne sera sauvé que s’il est d’abord rétréci aux dimensions d’un nationalisme étroit, fondé sur le droit du sang. Mais le plus inquiétant est peut-être que Front de gauche, écologistes et Parti socialiste semblent eux-mêmes devenus incapables de penser la nation autrement que dans les termes promus par l’extrême droite. Soit que, se reniant, ils se rallient désormais plus ou moins ouvertement à une conception nationaliste de la nation. Soit qu’ils la rejettent énergiquement, en la dénonçant, avec raison, comme contraire aux fondements du libéralisme politique et aux valeurs héritées des Lumières. Dans ce dernier cas, cependant, la gauche libérale paraît vouloir lutter contre le nationalisme xénophobe au m