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Au Quai-Branly, l'hommage intime de Hollande à Chirac

En novembre 2013, au Quai-Branly, François Hollande prononçait un discours élogieux envers son prédécesseur, preuve de leur complicité. Nous republions l'article paru à l'époque.
François Hollande et Jacques Chirac, jeudi, au musée du Quai-Branly. (Photo Jacky Naegelen. AFP)
publié le 21 novembre 2013 à 15h01
(mis à jour le 26 septembre 2019 à 14h50)

Et tout d’un coup, la sensation étrange que François Hollande est bien le dernier des vrais chiraquiens. Le benjamin de la famille. Celui qui vient du pays, la Corrèze. Celui qui a tourné à gauche au lieu d’avancer à droite. Celui, enfin, qui a déchiré le clan lors de l’élection présidentielle de 2012. Entre ceux qui ont voté pour lui (Claude Chirac), ceux qui auraient aimé (Jacques Chirac) et ceux qui ont soutenu Nicolas Sarkozy (Bernadette).

Ce matin, toute la chiraquie s’est donnée rendez-vous dans l’amphithéâtre Levi Strauss du musée du Quai-Branly à Paris, pour la remise du prix de la Fondation Chirac au docteur congolais Denis Mukwege, pour son combat en faveur des femmes victimes de viols dans les conflits armés. Ils sont tous là. Les politiques : Xavier Darcos, Michèle Alliot-Marie, Jacques Toubon, Alain Juppé, François Baroin, Michel Barnier... Les chefs d’entreprise : Jean François Dehecq (ex Sanofi), Thierry Breton... Les amis historiques : François Pinault... Et bien sûr les Chirac au complet : Bernadette, Claude, et Jacques dont c’est la première apparition publique depuis longtemps. Le corps est un peu peu plus vouté, l'œil humide et le regard se perd souvent. Toute la chiraquie donc, et quelques ministres du gouvernement (Manuel Valls, Marilyse Lebranchu, Yamina Benguigui...) et bien sûr François Hollande accompagné de Valérie Trierweiler.

«Vous saluer vous»

Il est 10 h 30 quand l’ex-Président se présente à l’entrée de la salle. Il a la main gauche posée sur l’épaule droite de Bernadette. Il avance avec une canne. Doucement. Péniblement. Il sourit, le visage détendu. Puis il prend appui sur François Hollande qui l’accompagne jusqu’à son fauteuil. Les deux hommes s’applaudissent, les yeux dans les yeux. Hollande pouvait difficilement éviter l’invitation : ce Chirac défenseur de la diversité culturelle, amoureux de l’Afrique et avocat convaincu de la lutte contre le réchauffement climatique, lui va très bien. En juillet dernier, le chef de l’Etat lui avait déjà rendu une visite privée. Mais c’était en toute discrétion. Et rien ou presque n’avait filtré de leur entretien.

Cette fois, le président de la République n'y est pas allé par quatre chemins : il est venu pour prononcer un véritable éloge de l'ex-patron du RPR. «Jacques Chirac, je vous retrouve avec plaisir en dehors de notre Corrèze commune... [...] Je tenais à être présent pour cette occasion, d'abord pour vous saluer vous.» Il y a dans la façon de prononcer ces mots introductifs, un peu plus que du respect. Quelque chose qui a à voir avec de la sympathie. «Je sais que j'exprime le sentiment de tous ici en saluant votre engagement pour des valeurs qui nous rassemblent tous et vont au-delà des différences politiques et des mandats exercés.»

«Leur côté "rad soc"»

Puis Hollande dresse le portrait d'un Chirac entièrement dédié «à la lutte contre la xénophobie et l'antisémitisme». «Ce combat a été le votre même si vous n'avez pas été le premier», déclare solennel Hollande. L'heure, le moment n'est évidemment pas à rappeler «le bruit et l'odeur» de 1991. Puis Hollande le remercie pour son «refus de la guerre en Irak». Vante les mots de son discours de 2002 au sommet de la Terre de Johanesbourg, où il avait déclaré: «Notre maison brûle et nous regardons ailleurs». Et assumant la filiation, Hollande lâche : «La France est fidèle à cette parole.» Avant de retourner à son siège, Hollande n'oubliera pas de rendre hommage à Claude, aujourd'hui administratrice de la Fondation Chirac, comme «porte-parole exemplaire de votre père».

Puis, le chef de l'Etat descend de la tribune et vient à nouveau saluer Chirac. Les deux hommes s'embrassent se prennent les deux mains. Il y a là une complicité qui éclate au grand jour. Une intimité troublante et émouvante. A la sortie, on demande à Alain Juppé si Hollande est bien le dernier des chiraquiens : «C'est la Corrèze ça, et puis leur côté "rad soc" à tous les deux.» On insiste. «Oui, c'est vrai il y a une forme d'intimité entre eux», répond le maire de Bordeaux. Et Juppé de se féliciter que tous les vieux amis soient là réunis autour de Chirac. Comme pour rappeler que Hollande ne fera jamais vraiment partie de la vraie famille...