L’effet miroir est cruel. Pour ce qu’il dit de la société française. La scène se déroule dans un restaurant de Castelsarrasin (Tarn-et-Garonne). D’un côté de la table, une petite dizaine d’anciens de la Marche pour l’égalité et le racisme. En face d’eux, François Lamy, l’actuel ministre délégué à la Ville. Ils ont le même âge. La cinquantaine. Ils se sont croisés, il y a trente ans. Eux marchaient. Lui était membre du service d’ordre. Trente ans après, l’homme blanc, parisien, fils d’ingénieur de travaux publics, est devenu ministre «de la Ville», c’est-à-dire des banlieues. Eux, les fils et filles d’immigrés maghrébins, résident toujours dans ces quartiers populaires. Vies de galère et précarité pour beaucoup.
Ce vendredi de novembre, François Lamy a tenu à les inviter à inaugurer une plaque à la mémoire d'un jeune Algérien balancé d'un train par trois légionnaires, il y a trente ans. Le corps était tombé sur les rails non loin de Castelsarrasin. A table, le ministre parle, avec sa voix à ultrabasse fréquence de fumeur de cigarillos, du racisme qui change, mais qui revient toujours. Il parle aussi de sa réforme de la politique de la ville qui doit être discutée ce vendredi à l'Assemblée. Il raconte comment il veut faire participer les habitants aux décisions. Mais les mots glissent sur ses interlocuteurs, les marcheurs n'ont plus la foi en la politique et se défient surtout du PS. Ils ne se sont jamais remis de ce qu'ils appellent la «récupération» de l