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Libération

Le royaume de l’absurdité est infini

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par Robert McLiam Wilson
publié le 22 novembre 2013 à 19h06

Ainsi donc, autour d'un feu, buvons jusqu'à plus soif et chantons la triste mort de la gauche. Le mois dernier, le gouvernement britannique a vendu son service public de la Poste. Peu d'objections, peu de larmes. Les travaillistes se sont contentés de murmurer un à peine audible «Vraiment ? La Poste ? Etes-vous absolument obligés ?» C'était très embarrassant. C'est si loin, les années 80 ? L'incroyable levée de boucliers contre la privatisation de l'électricité, du gaz et des télécommunications ? Le bruit et la fureur du véritable discours politique ? Voilà donc toute l'histoire. Rien ne s'est passé. La gauche est sortie du lit mais, trop déprimée pour s'habiller et se brosser les dents, elle est retournée se coucher.

Cela fait trop longtemps que la gauche retourne se coucher. Elle est en train de perdre toutes les batailles importantes, en particulier la grande guerre des récits. Le monde est rempli de gens intelligents persuadés que Ronald Reagan et Margaret Thatcher sont pour quelque chose dans la chute du mur de Berlin. La privatisation, les exonérations d’impôts pour les entreprises et l’amenuisement du droit syndical sont devenus les ingrédients obligatoires de la recette pour le développement économique. Tandis que la gauche chuchote son désaccord, des mythes imbéciles deviennent des vérités gravées dans le marbre. Le communisme a échoué (sans qu’il ait été tenté). La privatisation et le monétarisme permettent la redistribution des richesses (or c’est tout le