Il gère douze restaurants à travers le monde, mais le refuge où il «rêve» sa cuisine, c'est son établissement du 6, rue Balzac à Paris. Ce jour-là, vers midi, pas une casserole sur le feu. Les assiettes se composeront à la minute, comme une performance. Colosse à la gentillesse brute et affairée, Pierre Gagnaire, trois étoiles au Michelin, aurait aimé être artiste peintre (1). Son histoire familiale le détournera de cette ambition. Quarante-sept ans passés en cuisine, il est issu de la gastronomie des années 90, celle dont l'exigence tyrannique lui fera «tout perdre» - son restaurant de Saint-Etienne, il y a dix-sept ans. Avec la modestie de ceux qui ont mordu la poussière, il regarde l'ascension des nouveaux goûts et des noms associés, modère l'enthousiasme de la génération Top chef. Sans jamais cesser de s'interroger sur ce que cuisiner veut dire.
Emissions de télé, pleines pages dans les médias, catalogues de Noël : la cuisine est partout. Pourquoi une telle obsession ?
La cuisine est un moyen d’expression. C’est le cœur de mon histoire, cela doit être vrai pour les autres. A la fin des années 70, à la sortie de ma période d’apprentissage, j’ai repris le restaurant de ma famille. N’aimant pas ce métier, j’ai cherché quelque chose qui permette de donner du sens à ma vie de jeune homme coincé dans une histoire familiale et un métier pas très bien appris. Les mots posés sur ma cuisine par des journalistes comme Jean-François Abert ou ceux du Gault et Millau m’ont permis de réaliser qu’on peut raconter des histoires par la cuisine. Je n’étais pas un très bon technicien, mais je me sentais ca