La première chose qui frappe quand on entre dans le bureau de Robert Badinter est un magnifique tableau peint en 2009 par Gérard Fromanger, à partir d’une célèbre photo représentant Michel Foucault hilare. Une sorte d’hymne à la joie, une célébration de ce philosophe-là, penseur de la peine, la punition, l’enfermement des corps, mis à l’honneur dans l’intimité d’un ancien garde des Sceaux furieusement attaqué pour ses actions en faveur d’une meilleure justice en France.
L'autre surprise qui attend le visiteur tient à l'hôte lui-même. A 85 ans, l'allure est élégante, l'homme porte beau, qui met un soin particulier à sa physionomie. Long et mince, Robert Badinter est toujours droit comme un «i». Il y a bien des années, nous lui avions demandé si ce physique raffiné ne favorisait pas une certaine impopularité chez les Français, confirmant l'adage selon lequel l'opinion est généralement rassurée par les rondeurs, et il avait eu cette réponse amusée : «Je gagne à être connu.» Amusée mais sincère.
Badinter est naturellement compliqué, pétri de certitudes puis, soudain, pris par le doute. Il est surtout méfiant de tout le monde - «de moi particulièrement», dit-il en figure de style. Sans doute faut-il voir là la raison de son incontestable intégrité morale, mais aussi, nul n'est parfait, une superbe parfois énervante. Sauf à l'ignorer, car il semble employer cette posture comme un jeu de rôle où il serait toujours le héros, vaguement dandy, manière de montrer que, s