C'est une période de transition, une période qui n'a pas vraiment de nom. Les années 80 sont marquées par une crise et une mutation idéologique de la gauche qui entrent étrangement en résonance avec la politique de l'actuel président de la République : face au chômage de masse, priorité est donnée en 1981 aux entreprises, la rigueur est imposée. Le Front national, lui, s'institutionnalise et les immigrés, sur fond de difficultés économiques, stigmatisés. Historienne, maîtresse de conférences à l'université de Rouen, Ludivine Bantigny retrace ces inclassables années 80 dans la France à l'heure du monde, de 1981 à nos jours paru au Seuil (2013).
Comment définir les années 80 ?
Cette période paraît bien constituer une réaction, dans tous les sens que ce terme revêt. Elle se pose en opposition totale aux «années 68» marquées, elles, par la contestation et la radicalité. A partir des années 80, le «néolibéralisme» s’impose, avec ses progressions et ses accélérations, ses crises profondes aussi. Le chômage de masse constitue une menace pointée sur les destinées de la majorité. Au nom du réalisme, on change de paradigme économique. Prédomine le sentiment qu’il n’y a plus d’autre monde possible, qu’il faut s’en contenter, voire s’en enthousiasmer, qu’il n’y a plus, en tout cas, à le refuser. Les années 80 ferment le temps de la contestation. Elles semblent sonner l’heure de la résignation.
Il y a eu quand même l’arrivée de la gauche en 1981. Le «tournant de la rigueur» ne date que de 1983…
En fait, dès l’élaboration du programme du Parti socialiste en 1981, il y a un clivage entre les partisans d’une politi