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Libération
TRIBUNE

Rouvrir la question démocratique

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. (Illustration Stefano Rossetto)
par Manuel Cervera-Marzal, Chercheur en sciences politiques
publié le 16 février 2014 à 18h56

Il est des époques d’ouverture et d’autres de fermeture. Nous traversons actuellement une forme particulièrement sévère de ce second type. Nul ne sait où elle s’arrêtera. Mais chacun perçoit clairement les signes de son approfondissement. Fermeture des frontières de l’Europe par l’agence Frontex qui décompte un à un les centaines d’Africains morts noyés au large des côtes de Lampedusa. Fermeture d’usines et multiplication des mal nommés «plans de sauvegarde de l’emploi» ne visant dans le fond qu’à les détruire méthodiquement. Fermeture de l’espace politique chaque jour davantage privatisé entre les mains de politiciens qui n’hésitent plus à passer outre la volonté populaire. Fermeture des centres d’interruption volontaire de grossesse - 150 en dix ans - qui menace sérieusement ce droit que les femmes avaient chèrement acquis par leur lutte.

Fermeture théorique et intellectuelle, aussi, qui conduit à occulter certaines interrogations essentielles, comme celles ayant trait à la nature de la démocratie et au caractère démocratique - ou non - de nos institutions. Cette fermeture se traduit par l'idée selon laquelle nous serions aujourd'hui en démocratie. Si tel est le cas, de quoi se plaint-on ? Tout au plus pourrait-on revendiquer quelques améliorations marginales et ajustements ponctuels de l'ordre des choses. Mais la perspective d'un changement global de société est alors désuète. Sauf, bien sûr, si l'on veut renverser la démocratie et qu'on s'assume «antidémocrate» (