Professeur de droit à l’université de Paris-Ouest Nanterre-La Défense, Pascal Beauvais a participé l’an dernier à la commission Nadal sur la réforme du parquet.
La gauche au pouvoir a-t-elle marqué une rupture ?
Le candidat François Hollande avait promis une plus grande indépendance du parquet. Le sujet est devenu essentiel : ces dernières années ont été caractérisées par un phénomène de centralisation de la justice pénale, au nom de la sécurité. Il y a eu politisation des affaires pénales. Les circulaires se sont multipliées, on a exigé des résultats chiffrés aux procureurs. Ces derniers ont accumulé les pouvoirs, jusqu'à devenir des quasi-juges, au détriment des juges du siège [statutairement indépendants de l'exécutif, ndlr]. Pour de bonnes raisons - le parquet est efficace - mais aussi pour des mauvaises - il est subordonné.
Ce qui a pu donner lieu à des dérives…
On peut citer le rapport accablant du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) à propos de la gestion de l'affaire Bettencourt par le procureur Philippe Courroye. On peut se poser des questions quand on entend dans les écoutes de Patrick Buisson que Claude Guéant «se mouillait» dans des «affaires au parquet».
Qu’a changé l’arrivée de la gauche ?
La réforme de la nomination des procureurs a échoué [la droite s'est opposée à cette réforme constitutionnelle, ndlr] : aujourd'hui, l'exécutif n'est pas tenu de suivre l'avis consultatif du CSM quand il nomme un magistrat. La loi du 25 juillet dernier a, en revanche, constitué une rupture : elle prohibe toute instruction individuelle écrite du garde des Sceaux