[Cet article a été publié dans le cadre du «Libé des écrivains» du 20 mars.]
Meung-sur-Loire est une commune du centre de la France, à l'orthographe un peu ingrate, abritant 7 000 habitants entre Orléans et Blois, et qui n'a jamais intégré les paroles de la chanson le Carillon de Vendôme «Orléans, Beaugency, Notre-Dame-de-Cléry», alors qu'elle est pourtant à équidistance des trois villes susnommées. En échange, et bien tardivement, on la dota d'une sortie d'autoroute dont elle n'est pas peu fière et qui efface, autant que faire se peut, l'affront longtemps subi.
Meung-sur-Loire donc, sa sortie d'autoroute, son tiers de retraités, sa zone logistique, mais aussi son château, ses deux kebabs, sa mairesse et même son petit escroc local - un gars qui a eu son quart d'heure de gloire dans le journal du coin pour avoir abusé de la confiance de plusieurs habitants, et qui a dû se débarrasser fissa de sa Ferrari. «On a quand même frôlé le délit d'initiés», dit l'une de ses victimes, «vu les accointances du bonhomme avec le conseil municipal». Mais même pas. A Meung-sur-Loire, comme en de nombreux endroits, il y a beaucoup de «même pas». C'est sans doute là une partie de son charme, d'être pour ainsi dire une ville sans histoires, qui nous obligerait - et c'est tant mieux - à repenser tout ce qu'on croit savoir de la déliquescence du lien social en France,