Depuis hier, le nouveau chapitre du roman national s’écrit à l’oreille, comme si des prothèses enregistreuses placées sous la cravate des puissants s’étaient converties en mégaphones dans l’espace public. Les voix qu’elles interceptent, les conversations qu’elles transmettent, le langage qu’elles catalysent et les silences qui demeurent brouillent méchamment la bande-son de la République. Effets Larsen et scandale dans l’Etat.
Ou comment Nicolas Sarkozy, ancien président et probable futur candidat y fait ouïr son déni des lois, la certitude de son impunité, la croyance en sa toute-puissance : rien moins qu'une conception de la politique. Ou comment Thierry Herzog, son avocat et homme de loi, y fait résonner la promesse d'un haut magistrat corrompu, sauf «si le droit finit par l'emporter» - phrase qui n'est pas une hallucination auditive, glace tout autant qu'elle violente.
Matériau travaillé par de multiples dispositifs fictionnels - vrai faux nom d’emprunt, vraies fausses conversations, vraies fausses confidences, stratégies de leurre, dissémination de taupes dans les cellules les plus secrètes des institutions, guerre des espions et lettres volées -, la transcription de ces écoutes revitalise, par le ton inédit qu’elle fait surgir, ces motifs pourtant éculés de l’exercice du pouvoir : le trafic d’influence, la corruption.
En effet, l’irruption de ces quelques mots et expressions issus de la sphère privée désigne immédiatement un continent de langage bien plus vaste,