Dans une étude fameuse, l’anthropologue Pierre Clastres décrit un roi dont le rôle consiste à parler, tous les jours, à heure fixe. Ce qu’il dit n’a aucune importance : son peuple ne l’écoute pas. Mais il doit parler d’un certain ton, sous peine d’être destitué. Dans son cours normal, la vie politique française ne diffère de celle de la tribu décrite par Clastres que par la quantité. La classe politique doit débiter du langage, repris en boucle par les médias et écouté distraitement par une population qui vaque à ses propres affaires. Récemment, les hommes et les femmes politiques ont jugé efficace de déléguer la fabrique de ce langage à des spécialistes en communication, dont c’est le métier. Rationnels, ceux-ci l’ont réorganisé en unités sécables. C’est ce que l’on appelle des éléments de langage. L’ancienne fluidité de la langue, la labilité du discours, son imprévisibilité, ont fait place à un montage de solides, ces éléments dont l’agencement en figures produit un sens (faible).
Marqueterie. Ça, c'est le cours normal de la parole politique, qui est dans le même rapport à l'exercice moral du pouvoir que le costume cravate ou le tailleur l'est au corps de l'homme ou de la femme d'Etat. Et cette parole, on ne l'écoute pas - elle n'est d'ailleurs pas faite pour être écoutée, mais pour couvrir de sa rumeur la machine de l'action politique.
Mais il y a les écoutes.
Les écoutes opèrent comme une trouée dans la marqueterie des éléments de lang