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«Il a bien bossé, Gilbert»

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Un pseudonyme étrange, un magistrat qui rêve de Monaco, de fausses conversations téléphoniques pour égarer les juges : le romanesque est partout dans la pourtant gravissime affaire Sarkozy.
Nicolas Sarkozy à Paris le 15 novembre. (Photo Laurent Troude)
par Maylis de Kerangal et Jane Sautière
publié le 19 mars 2014 à 21h16

«L'écoute est peut-être l'activité la plus discrète qui soit. C'est à peine une activité : une passivité, dit-on, une manière d'être affecté qui semble vouée à passer inaperçue. Quelqu'un qui écoute, ça ne s'entend pas.» (1) Aujourd'hui les écoutes s'entendent et ça fait du bruit. C'est l'histoire de deux complices qui se téléphonent. Ils sont en guerre, ils conspirent, enrôlent des correspondants conscients qu'«une armée sans espion est comme un homme […] sans oreille». (Kia Lin). Ils sont certains d'être écoutés. Roman ?

«Le premier nom qui m’est passé par la tête»

Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog sont des petits malins. Pour brouiller les pistes, ils inventent un personnage, un type qui pourrait prendre en charge leur «vraie» conversation, ils le dotent d’un nom, Paul Bismuth - anthroponyme étrange qui fait affleurer le métal, la médecine, des reflets capillaires cuivrés, une moustache, voire un petit ventre, un costume chocolat rayé crème sur une chemise céladon. Ce héros, ils l’envoient à Nice acheter un téléphone portable et ouvrir des lignes téléphoniques avec lesquelles ils seront peinards, pensent-ils, pour évoquer leurs petites affaires. Sauf que les affaires sont gravissimes et que Paul Bismuth existe - c’est un promoteur immobilier qui vit en Israël. Il doit bien se demander pourquoi son nom surgit en premier dans la tête de son ancien camarade de classe. Face à l’usurpation d’identité, il hésite à porter plainte, les pressions se multiplient, les avocats de la sarkozie l’appellent et cher