La pluie ne sied pas à cette ville du Sud dont la pierre claire a besoin de lumière. Ce jour-là, le ciel est bas. L'homme a donné rendez-vous devant la mairie de Carpentras, convoitée par l'extrême droite depuis l'élection de Marion Maréchal-Le Pen comme députée de la circonscription. A l'heure dite, personne devant le parvis. On aperçoit juste à l'intérieur une silhouette compacte, lunettes d'intellectuel posées sur un visage affable. Posté dans le hall, l'homme peut surveiller les deux entrées du bâtiment officiel, l'œil aux aguets. Sans doute une habitude d'écrivain. A 64 ans, Roger Martin milite au Parti communiste français, section Oswald Calvetti, du nom de cet ouvrier papetier, d'origine italienne, ancien résistant et leader CGT. Il est aussi un romancier multirécidiviste, auteur de polars et de BD consacrées au Ku Klux Klan (KKK) et un «investigateur», traquant l'extrême droite, ses sales manies et ses ambitions cachées. Il vaut toujours mieux connaître son ennemi par le menu que par la caricature.
A la manif de Charonne, en 1962
Roger Martin est un ami du romancier Didier Daeninckx, chacun parle de l'autre avec une affection profonde mais timide. «La détermination de Roger dans sa lutte contre l'extrême droite prend naissance en juin 1962, quand un de ses voisins à Aix-en-Provence est assassiné par l'OAS, retrace Daeninckx. Un commando de cinq hommes, des coups de poignard donnés par un para puis une rafale devant la famille. Le commandant Kubasiak venait d'être tué sauvagement pour s'