Menu
Libération
Chronique «Quelle heure édile ?»

De l’abstention numérique en couleurs

Article réservé aux abonnés
publié le 27 mars 2014 à 20h36

Dimanche, ceux qui n'ont pas boudé les isoloirs sont allés y faire des selfies. On ne sait laquelle de ces deux populations est la plus condamnable au regard des règles élémentaires du civisme.

Il n’est pas sûr qu’abstentionnistes et expérimentateurs du «selfisoloir» (puisque tel est le petit nom de l’autoportrait avec enveloppe bleue et rideau beige) soient de mauvais citoyens : l’absence et l’exhibition, ne sont-ce pas deux façons d’être «de son temps» ?

Le second tour des municipales va nous donner une chance d'être encore plus contemporains : il suffira de fusionner les deux attitudes avec, roulements de tambour… le selfie de l'abstentionniste ! Mais où et comment procéder ? Elle n'est pas simple, la mise en scène du désintérêt, de l'absence et de l'absolue modernité réunis. Mais elle pourrait ouvrir à l'esthétique photographique des voies radicalement nouvelles.

Par exemple, l'artiste exhibo-abstentionniste pourrait s'autocapturer en train de jardiner, ou de taquiner le goujon, ou encore de se balader en forêt en récitant du Mallarmé. Dans ce registre campagnard, il sera important de soigner les arrière-plans. Un chaton avec la gueule embrochée sur un hameçon ou bien un plant de Cannabis sativa au top de sa floraison assura au cliché une publicité maximale, tout en exprimant l'anticonformisme de son auteur. Car l'abstentionno-selfiste est un combattant, un ennemi de la convention et de la vieille politique, qui entend repousser très loin les limi