Le 30 mars, Limoges a basculé à droite après cent ans de socialisme. Un séisme local devenu l’emblème national de la débâcle de la gauche. Les historiens Philippe Grandcoing et Vincent Brousse, auteurs d’une cartographie de la sociologie électorale de la ville depuis 2001, en expliquent les causes.
Le basculement de Limoges ne vous a pas surpris. Pourquoi ?
Vincent Brousse : A l'origine il y a l'intuition du géographe Thierry Moreau. Après le score historiquement bas du PS au premier tour, nous savions que l'élection se jouerait sur un faible écart. Cette cartographie nous a permis de matérialiser une bascule possible due au triple décrochage du PS dans le centre-ville qui se droitise, dans les quartiers périphériques qui se frontisent et dans les quartiers pavillonnaires où le PS reflue. A Limoges, ce recul de 26 points entre 2008 et 2014 a un sens politique très fort, perceptible dès les cantonales de 2011. Le FN avait alors enregistré 30% des voix dans les quatre quartiers populaires, les zones de force de la gauche. Dès alors nous n'avons eu de cesse de mettre en garde sur l'évolution d'une ville qui se clivait, qui se paupérisait et qui se ghettoïsait. «Ghetto du gotha» d'un côté et quartiers à fort taux de chômage de l'autre.
Les vaincus ont invoqué le contexte national.
Philippe Grandcoing : C'est en partie exact. Mais l'essentiel s'est joué ailleurs, dans les grands ensembles hérités des années 60-80. Le vote de gauche s'y effondre. Alors qu'en 2008 la liste socialiste y dépassait les 60%, six ans plus tard, elle oscille entre 33% et 40%.