Professeur de sciences politiques à l’université Paris-VIII (CSU-Cresspa), Yves Sintomer est membre senior de l’Institut universitaire de France. Auteur de nombreux ouvrages sur la question démocratique (1), il déplore que celle-ci soit absente de la réforme territoriale en cours.
La modification de la carte des territoires n’aborde pas la question des modes d’élection de leurs représentants. Est-ce dommageable ?
Evidemment. Alors que nous avons une certaine expérience en matière de décentralisation, il existe encore en France un mode jacobin de décision. C’est d’autant plus dommageable que nous traversons une crise politique profonde. C’est une réforme par le haut dont on peut partager certains éléments et penser en même temps qu’elle est antidémocratique et donc assez délétère. Le retour de bâton peut être sévère : la montée de l’abstention pourrait s’accroître et plus généralement une incompréhension des citoyens par rapport à un système politique, à des décisions qu’ils ne comprennent pas et dont ils pensent qu’elles relèvent d’arrangements partisans.
Manuel Valls, ministre de l’Intérieur, a modifié le système électoral des départements sans consultation des citoyens. Efficacité d’abord ?
L’idée d’avoir autant de femmes que d’hommes dans les conseils généraux, qui restent très masculins, de mettre fin au déséquilibre démographique entre cantons urbains et ruraux, en les redécoupant, sont autant d’initiatives que les citoyens pouvaient approuver. Mais la façon dont cela s’est fait prête le flanc à tous les soupçons de manipulation au profit du Parti socialiste. En Californie a eu lieu une réforme des circonscriptions un peu comparable. La première chose a été de réunir une commission citoyenne, qui a proposé des solutions soumises à plusieurs