Hier après-midi, à 3 heures…
Le gouvernement va expliquer aux Chambres l’agression sauvage de l’Allemagne et les moyens d’y faire face… Dans un silence complet, seulement troublé par les chut ! chut ! où par intervalles, d’instinct, l’Assemblée s’impose à elle-même sa discipline, les députés, sans une hâte, avec la plus naturelle solennité, commandée par le fond des âmes, viennent s’asseoir de gradin en gradin à leurs places.
Le président se lève, prononce d’abord à voix très basse quelques mots, des mots pour débrouiller d’indifférentes formalités, puis d’une voix haute :
- Dans les graves circonstances…
C’est l’éloge funèbre de Jaurès qui commence. Tous debout. On salue le mort, on salue l’idée même de la mort qui va planer sur cette séance sans affaiblir nul cœur.
Et dans cette grande page oratoire de Deschanel se déroulent les mois de notre liturgie nationale officielle depuis un siècle «la justice sociale, la fraternité humaine, la conscience humaine». Puis voici l'appel : «Du cercueil de cet homme sort une pensée d'union ; de ses lèvres glacées, un cri d'espérance.» (Salve d'applaudissements.). Le terrain est déblayé. Tout est prêt, tout éclate. Nous savions qu'il n'y aurait pas, ce jour-là, une seule divergence entre nous ; mais elle dépasse nos espérances, cette prodigieuse union de nos esprits et de nos cœurs.
Maintenant, un intervalle de silence et d’immobilité. Le président du Conseil «retenu par d’autres devoirs dans de telles circonstances», n’est pa