Professeur de sciences politiques à l'université de Versailles-Saint-Quentin, Laurent Bouvet dirige aussi l'Observatoire de la vie politique (Ovipol) de la Fondation Jean-Jaurès. Il a notamment publié le Sens du peuple : la gauche, la démocratie, le populisme (1).
Comment observez-vous le débat qui agite les socialistes ? Est-ce l’opposition de deux gauches ?
Il y a toujours eu au PS deux projets différents : un, en rupture avec l’économie de marché, et un autre, réformiste, d’adaptation. Ce clivage était déjà visible entre Rocard et Mitterrand. Mais jusque-là, le parti a toujours été le lieu où cohabitaient les différents courants. Un ciment les unissait : l’intérêt supérieur électoral. Tous les socialistes qui ont été minoritaires au PS - Chevènement, Rocard, Dray, Mélenchon - ont toujours eu une place dans cette perspective électorale.
Le débat des deux lignes n’est pas nouveau. C’était déjà le cas en 1983 avec le tournant de la rigueur…
Oui. Il opposait déjà Mitterrand et Rocard au congrès de Metz, en 1979. Mitterrand avait réussi la synthèse en 1981. Jospin aussi, en 1997, à l’intérieur et à l’extérieur du parti, avec la gauche plurielle. Hollande, aussi, durant les années 2000, puis lors de la primaire en 2011. Il avait été désigné car perçu comme le plus central et le plus rassembleur, et celui capable d’unir tout le monde pour battre Sarkozy. Or, la clarification démontre aujourd’hui qu’il n’y a plus de synthèse possible. Ce qui pouvait motiver les socialistes à oublier que leurs projets sont incompatibles, c’est la répartition des mandats et des ressources. Les perspectives électorales du PS étant catastrophiques, ce ciment n’apparaît plus.
Quel est le risque ?
La période est