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Analyse

Réformisme contre étatisme, un duel séculaire

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Des Allemands Bernstein et Kautsky aux Français Valls et Montebourg, les socialistes européens s’opposent sur la ligne politique à appliquer depuis plus d’un siècle.
A gauche, Michel Rocard, en 1981. Le socialiste est un lointain héritier du réformiste Bernstein. (Photo Jean-Claude Delmas. AFP)
publié le 29 août 2014 à 19h56

Acette époque, Manuel Valls se serait appelé Eduard Bernstein. Il aurait porté une barbe fournie, des fines lunettes, une redingote noire et il aurait passé son temps dans les bibliothèques et non sur les plateaux de télévision. A cette époque, les leaders du socialisme européens étaient d'abord des frénétiques dévoreurs de livres et d'irrépressibles pondeurs d'articles… Pourquoi Bernstein ? Parce que ce «révisionniste», comme on est aujourd'hui «social-libéral», a posé au tournant du XIXe siècle les bases intellectuelles d'une controverse dont on a vu la réincarnation, à la fois spectaculaire et atténuée, dans le conflit Valls-Montebourg du début de semaine. L'histoire de la social-démocratie et de ses divisions se répète : la guerre des deux gauches est une guerre de cent ans.

Pour en comprendre l’enjeu, il faut revenir aux grands ancêtres. Fils d’une famille où l’on compte un bon nombre de rabbins libéraux, Bernstein est un intellectuel. Il rejoint le socialisme allemand dès sa jeunesse et grandit à l’ombre de son mentor, Karl Kautsky, ami d’Engels et continuateur intellectuel du marxisme orthodoxe.

Frotté au socialisme fabien en Grande-Bretagne, déjà confronté à la force impressionnante d'un capitalisme mondialisé, Bernstein commence à douter de la pertinence de certains principes posés par Marx et que ses épigones ont érigé en articles de foi. Le capitalisme, observe-t-il, au lieu de s'acheminer vers un effondrement inéluctable comme le pensait Marx, survit à s