Ça ne se voit pas tout de suite, que ces deux-là mènent une guerre. Pour tout dire, on les trouve même bien détendus. Vincent Ricordeau, en particulier. So cool, de recevoir avachi dans le canapé, tutoiement et verre de rosé aux lèvres. Ne fais pas ta pisse-vinaigre, me direz-vous, à 45 ans, le président et cofondateur de la plateforme de financement participatif Kisskissbankbank se tient comme il veut, surtout en vacances, a fortiori chez lui. Soit un grand appartement dans le XVIIe arrondissement de Paris, au salon-salle de jeux plutôt que salle à manger. Un tipi ceinturé d'une guirlande lumineuse sert de cabane à Swann et Nell, 10 et 4 ans, le nez présentement écrasé contre la porte vitrée, maintenue fermée le temps de l'interview. Leur mère leur fait des signes compatissants de la main.
Ombline Le Lasseur, 38 ans, aurait campé une belle héroïne de BD. Son nom a la poésie d'une Pélisse ou d'une Laureline. Son visage, croqué à la mine 0,3 mm, en a la délicatesse. Au-dessus de sa tête, vole un Surfer d'argent, superhéros supercosmique de la galaxie Marvel. En face, une affiche de 2001, l'odyssée de l'espace, revue et démythifiée en cartoon Toy Story. Chez les Ricordeau-Le Lasseur, on ne cache pas son syndrome de Peter Pan sous le tapis. On le placarde aux murs.
Eux-mêmes n'avaient pas anticipé la tournure militante qu'allaient prendre les choses. «Au départ, on voulait juste soutenir la culture indé en proposant un outil nouveau»