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Libération
TRIBUNE

Une droite prolétarienne ?

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par Bruno Ventelou, CNRS, chercheur en économie
publié le 24 septembre 2014 à 17h16
Une question en forme de blague : n’y aurait-il pas une stratégie d’entrisme des circuits de décision de l’Etat social par une avant-garde profinancière embusquée au sein du Parti socialiste ?

Rappelez-vous (pour les plus vieux lecteurs de Libé), le principe de «l'établissement» promu par la Gauche prolétarienne dans les années post-68. Il s'agissait de pénétrer le milieu de l'entreprise, les usines, en «établissant» les jeunes gauchistes dans des métiers du monde ouvrier. D'une part pour mieux éduquer les militants gauchistes eux-mêmes (souvent étudiants, pas toujours bien affûtés sur les réalités du monde ouvrier). D'autre part pour constituer l'avant-garde des luttes sociales et syndicales. En gros, c'est une technique «d'entrisme», même si ce terme appartenait plutôt aux frères ennemis de la gauche léniniste, qui consiste à faire bouger de l'intérieur, et déstabiliser, le monde économique au profit des intérêts des classes laborieuses. Le ver est dans le fruit, et les forces du progrès, disséminées, stratégiquement situées et embusquées, défont à la base le système d'exploitation.

C’est à se demander, presque sans rire, s’il n’y a pas eu, depuis ces belles années, la stratégie symétrique de noyauter l’Etat social et détricoter de l’intérieur les progrès de la gauche, au profit, cette fois, de la classe des propriétaires financiers. Les scandales individuels (Cahuzac, Thévenoud), les reniements politiques (de presque tous les gouvernements socialistes depuis 1982), les investigations un peu poussées (à peine, en fait) sur les liens d’intérêt et les patrimoines des hommes politiques, nous donnent l’impression que quelques indivi